Wang Wei
Dans la montagne
Du ruisseau Jing, des rochers blancs émergent ;
Dans le ciel froid, les feuilles rouges se raréfient.
La pluie a épargné les sentiers de montagne ;
L’azur limpide mouille pourtant mes habits.
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Anthologie de la poésie chinoise, publiée sous la direction de Remi Mathieu, traduction du chinois par Florence Hu-Sterk, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris 2015, p. 351.
Pour décrire un événement
La petite pluie s’achève, le ciel se couvre légèrement ;
Indolent, je n’ouvre pas la porte au fond de la cour.
Assis, je contemple les mousses d’un vert intense,
qui semblent vouloir grimper sur mes vêtements.
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Anthologie de la poésie chinoise, publiée sous la direction de Remi Mathieu, traduction du chinois par Florence Hu-Sterk, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris 2015, p. 353.
Mon domaine du Zhongnan
Au milieu de ma vie, amoureux de la Voie ;
Au mont Zhongnan sur le tard je me retire.
Je m’y rends seul quand l’envie me prend ;
Je garde pour moi les joies que j’ y ressens.
Marcher jusqu’au lieu où la source disparaît ;
S’asseoir et attendre que s’élèvent les nuées.
Par hasard, je croise un vieillard des forêts ;
Nous parlons et rions, oubliant de rentrer.
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Anthologie de la poésie chinoise, publiée sous la direction de Remi Mathieu, traduction du chinois par Florence Hu-Sterk, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris 2015, p. 356.

Composé dans mon domaine de Wangghuan sous une pluie battante
Pluie continue dans le bois désert : une fumée s’attarde ;
Légumes et millet cuisinés pour ceux du champ de l’est.
Des aigrettes blanches volent sur une vaste étendue inondée ;
Des loriots jaunes chantent sur les sombres arbres d’été.
Dans la montagne je médite en contemplant les hibiscus ;
Végétarien, je cueille les mauves sous les pins pour un repas.
Vieil homme rustre, je ne dispose plus une place sur la natte ;
Pourquoi les mouette douteraient-elles encore de moi ?
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Anthologie de la poésie chinoise, publiée sous la direction de Remi Mathieu, traduction du chinois par Florence Hu-Sterk, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris 2015, p. 358.
Les fermes au bord de la rivière Wei
Les derniers rayons du soleil éclairent le hameau ;
Dans les ruelles, reviennent vaches et moutons.
Un paysan rustre qui s’inquiète pour son vacher,
Appuyé à sa canne, attend sur le perron de ronce.
La faisan crie dans un champ d’orge florissant ;
Le ver à soie dort, il faut des feuilles de mûrier.
Des fermiers apparaissent, la bêche à l’épaule ;
Ils se rencontrent et demeurent là à bavarder.
Cette existence de plaisir oisif, comme je l’envie !
Pensif, je fredonne « Pourquoi ne pas rentrer ? »
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Anthologie de la poésie chinoise, publiée sous la direction de Remi Mathieu, traduction du chinois par Florence Hu-Sterk, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris 2015, p. 358.
Soir d’automne dans la montagne
空山新雨后,天气晚来秋
明月松间照,清泉石上流
竹喧归浣女,莲动下渔舟
随意春芳歇,王孙自可留
Après la première pluie dans les montagnes vides, l’air du soir devient automnal
Lumière de la lune à travers les pins, eau de source coule sur les pierres
À leur passage, les lavandières agitent les bambous, le bateau de pêche, les lotus
Les fleurs de printemps commencent à faner, le noble de cœur peut rester comme il veut.
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Les tempes d’argent
seul assis avec mes tempes d'argent
la salle vide bientôt la deuxième veille
la pluie tombe avec les fruits les fleurs
sous la lampe les insectes des herbes
à quoi bon changer le cheveu blanc
à quoi bon l'or jaune et leurs bibelots
arrêter la maladie freiner la vieillesse
avant le retour au silence et au vide
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Cartes postales de la Chine ancienne, traduction du chinois d’Anh, éditions QuazaQ. iBooks.
Biographie
Wang Wei (700-761) est un poète, peintre, calligraphe et musicien chinois. Talent précoce, il réussit le doctorat à vingt et un ans. À peine est-il en poste qu’il est exilé à Jizhou (Shandong), où il demeure cinq années. À la suite de cet exil, il devient adepte du bouddhisme et, selon l’expression de l’époque, « moitié fonctionnaire, moitié ermite ». En 737-738, il est envoyé dans le Nord-Ouest pour féliciter l’armée. Les poèmes de frontière qu’il y a composé sont parmi les plus remarquables du genre. Tout en poursuivant sa carrière de fonctionnaire, Wang Wei se retire de nombreuses fois pour mener une vie d’ermite : au bord de la rivière Qui (qui longe le Henan), dans les monts Song (Henan), et dans sa propriété de Wangchuan (au sud de Chan’an). Ses poèmes, qui évoquent la beauté de la nature, atteignent une perfection qui crée un au-delà des mots. « Dans la poésie de Wang Wei, il y a peinture ; dans la peinture de Wang Wei, il y a poésie » commentait Su Dongpo, poète du XIe siècle. Source : Anthologie de la poésie chinois, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard.