Vladimir Maïakovski
La Flute des Vertèbre (extrait)
À vous toutes,
que l’on aima et que l’on aime,
icône à l’abri dans la grotte de l’âme,
comme une coupe de vin à la table d’un festin,
je lève mon crâne rempli de poèmes.
Souvent je me dis —
et si je mettais
le point d’une balle à ma propre fin.
Aujourd’hui,
à tout hasard,
je donne mon concert d’adieu.
Mémoire !
Rassemble dans la salle du cerveau,
les rangs innombrables des bien-aimées.
Verse le rire d’yeux en yeux.
Que de noces passées la nuit se pare.
De corps et corps versez la joie.
Que nul ne puisse oublier cette nuit.
Aujourd’hui je jouerai de la flûte —
sur ma propre colonne vertébrale.
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : À pleine voix, de Vladimir Maïakovski, traduction de Christina David, Poésie / Gallimard Grasset, 2005.
Biographie
Vladimir Maïakovski (1893 – 1930) est un poète et dramaturge russe. Né à Bagdadi, en Géorgie, dans une famille modeste, il y passe son enfance auprès d’un père garde-forestier. Dès 15 ans, il adhère au Parti social démocrate, ce qui lui vaut d’être arrêté trois fois pour conspiration, et de découvrir la poésie en prison. Il se lance alors dans le futurisme et, rejetant les formes anciennes et se grisant d’avant-gardisme. En 1914, il rencontre Lili Brik, grâce à la sœur de cette dernière, Elsa Triolet. Il l’aime d’un amour « ardent, tortueux, passionné et abrasif . Après la révolution d’Octobre de 1917, il met son talent au service du pouvoir politique. Il sillonne l'Europe en ambassadeur, visite Londres et Paris, prend les commandes du groupe LEF à l'avant garde du futurisme. Partout on écoute ce géant à la voix de stentor célébrer la révolution dont il devient le chantre. En retour, il ne fait ni dans la nuance ni dans la compréhension des autres. Sa lucidité tardive l’oppose, à la fin de sa vie, à la critique officielle (« Je joue des coudes à travers la bureaucratie, les haines, les paperasses et la stupidité »). Ses pièces seront cinglantes (la Punaise en 1920, et les Bains en 1929). Il finira par se suicider le 14 avril 1930. Le pouvoir récupère ses écrits révolutionnaires pour en faire un poète-icône défendant le système. Sources : Wikipedia, espritsnomades.