Thomas Stearns Eliot
East Coker (extrait)
What is the late November doing
With the disturbance of the spring
And creatures of the summer heat,
And snowdrops writhing under feet
And hollyhocks that aim too high
Red into grey and tumble down
Late roses filled with early snow?
Thunder rolled by the rolling stars
Simulates triumphal cars
Deployed in constellated wars
Scorpion fights against the sun
Until the Sun and Moon go down
Comets weep and Leonids fly
Hunt the heavens and the plains
Whirled in a vortex that shall bring
The world to that destructive fire
Which burns before the ice-cap reigns
That was a way of putting it—not very satisfactory
A periphrastic study in a worn-out poetical fashion,
Leaving one still with the intolerable wrestle
With words and meanings. The poetry does not matter
It was not (to start again) what one had expected.
What was to be the value of the long looked forward to,
Long hope for calm, the autumnal serenity
And the wisdom of age? Had they deceived us
Or deceived themselves, the quiet-voiced elders,
bequeathing us merely a receipt for deceit?
The serenity only a deliberate hebitude,
The wisdom only the knowledge of dead secrets
Useless in the darkness into which they peered
Or from which they turned their eyes. There is, it seems to us,
At best, only a limited value
In the knowledge derived from experience.
The knowledge imposes a pattern, and falsifies,
For the pattern is new in every moment
And every moment is a new and shocking
Valuation of all we have been. We are only undeceived
Of that which, deceiving, could no longer harm.
In the middle, not only in the middle of the way
But all the way, in a dark wood, in a bramble,
On the edge of a grimpen, where is no secure foothold,
And menaced by monsters, fancy lights,
Risking enchantment. Do not let me hear
Of the wisdom of old men, but rather of their folly,
Their fear of fear and frenzy, their fear of possession,
Of belonging to another, or to others, or to God.
The only wisdom we can hope to acquire
Is the wisdom of humility: humility is endless.
The houses are all gone under the sea.
The dancers are all gone under the hill.
C'était une façon de dire les choses - mais pas très satisfaisante :
Une étude périphrastique sur un mode poétique désuet,
Vous laissant toujours en proie à l'intolérable lutte
Avec les mots et les sens. La poésie n'importe point.
Ce n'était pas (pour
repartir) ce que l'on avait escompté.
Quelle allait être la valeur du calme longtemps attendu,
Longuement espéré, la sérénité automnale
Et la sagesse de l'âge ? Nous avaient-ils leurrés
Ou s'étaient-ils leurrés eux-mêmes, les aînés à la voix tranquille ?
Nous avaient-ils légué simplement une recette de duperie ?
La sérénité n'était-elle qu'hébétude délibérée,
La sagesse que la connaissance de secrets morts
Inutiles dans la ténèbre où ils plongeaient
Ou dont ils détournaient les yeux ? Il n'y a, nous apparaît-il,
Au mieux, qu'une valeur limitée
Dans le savoir qui procède de l'expérience.
Le savoir impose un motif, et par là fausse
Car le motif se renouvelle à chaque moment
Chaque moment est une neuve et bouleversante
Évaluation de tout ce que nous fûmes. Nous sommes seulement détrompés
De tout ce qui, en nous trompant, ne pourrait plus nous nuire.
Étant à mi-chemin, pas seulement à mi-chemin,
Tout le long du chemin, dans un bois noir, dans la ronçaie,
Sur le bord d'un bourbier où le pied ne peut s'assurer
Menacés par des monstres, des lueurs fantastiques,
Risquant l’ensorcellement. Que je n'entende pas parler
De la sagesse des vieillards, mais bien plutôt de leur folie,
De leur crainte de la crainte et de la frénésie, de leur crainte d'être possédés, d'appartenir
À un autre, à d'autres, à Dieu.
La seule sagesse que nous puissions espérer acquérir
Est la sagesse de l'humilité; car l'humilité est sans bornes.
Les maisons s'en sont allées toutes sous la mer.
Les danseurs s'en sont tous allés sous la colline.
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : La Terre vaine et autres poèmes, Thomas Stearns Eliot, édition bilingue, traduction de l’anglais par Pierre Leyris, Edition du Seuil, Paris, 1976, p. 177.

Biographie
Thomas Stearns Eliot (1888-1965) est un poète, dramaturge et critique littéraire américain naturalisé britannique. Dernier né d’une famille aisée de Saint-Louis dans le Missouri, ses parents ont 44 ans à sa naissance, ses sœurs 11 à 18 ans et son plus jeune frère 8 ans. En classe, Eliot apprend le latin, le grec, le français et l'allemand, puis rentre à Harvard, où il publie ses premiers poèmes. Après son Master, ses études l’emmènent à la Sorbonne, où il suit notamment les cours de Henri Bergson et d'Alain-Fournier. De retour à Harvard, il y achève une thèse sur le philosophe hégélien Bradley et se passionne pour la philologie indo-aryenne et le bouddhisme. En 1914, il obtient une bourse pour Oxford, où il s’installe et se marie en 1915. En octobre 1922, Eliot publie The Waste Land (La Terre vaine). Il devient citoyen britannique en 1927 et se convertit à la religion anglicane. En 1948, il reçoit le prix Nobel. Il meurt à Londres en 1965. En dépit de la forme complexe du poème, des changements brusques de narrateur, de temps, de lieux, en dépit des références nombreuses et élégiaques à d'autres cultures et d'autres religions, The Waste Land est devenu un phare de la littérature moderne dont certaines phrases sont entrées dans l'anglais courant comme April is the cruellest month. Source : wikipedia.