Tao Yuanming
chanson pour mes funérailles futures
les herbes folles sont à perte de vue
les bouleaux bruissent sous le vent
de cet automne le givre déjà est sévère
voilà au lointain mon cortège pas à pas
vers la campagne d'aucune habitation
les grands tombeaux surgissent hauts
et le cheval funèbre à piaffer et hennir
avec le vent lugubre à se lever souffler
les volets de la chambre là-bas fermés
mille années sans revoir l'aube
mille aubes sans revoir l'année
sages et savants n'y peuvent rien
et tout à l'heure les uns les autres
chacun de son côté avec ses choses
quelques parents peut-être juste tristes
d'autres se remettront à chanter l'oubli
...
mort maintenant que dire de plus ?
confier ce corps à la montagne qu'il s'y mêle
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Cartes postales de la Chine ancienne, traduction du chinois d’Anh, éditions QuazaQ. iBooks.

seul m'importe mon souhait
au pied du mont au sud parmi les herbes folles
j'ai planté pousses de haricots et fèves chétives
avec le soleil levant je m'en vais biner et butter
jusque tard sous la lune ma bêche sur l'épaule
je rentre par ce sentier au milieu des buissons
avec la bruine et la rosée mouillant ma tunique
mais je ne m'en soucie guère
seul m'importe mon souhait
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Cartes postales de la Chine ancienne, traduction du chinois d’Anh, éditions QuazaQ. iBooks.
seul m'importe mon souhait
à l'est il y a un lettré
toujours en guenilles
en un mois moins de neuf repas
depuis dix ans le même bonnet
pauvre et démuni sans pareil
et pourtant le visage radieux !
désireux de croiser ce proche
à l'aube je franchis la rivière
cette passe au milieu d'une forêt de pins
le voilà dans l'auvent des nuages blancs
il apprécie mon intention de rencontre
et m'accueille en jouant avec son ch'in
d'abord l'air de « la grue extraordinaire »
puis terminant sur « le phénix solitaire »
oh rester là l'écouter sous la brise
oublier la saison froide qui vient
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Cartes postales de la Chine ancienne, traduction du chinois d’Anh, éditions QuazaQ. iBooks.
Biographie
Tao Yuanming (365-427) est sans doute un des poètes de la période les plus proches de notre sensibilité. Malgré une œuvre abondante, nous savons peu de choses de lui. Petit-fils d’un illustre général, il hérite de quelques terres, dans le Jiangxi. Il sert plusieurs grands dans la première partie de sa vie. De 402 à 404, il porte le deuil de sa mère et cultive ses champs. En 405, après un brève retour en fonction, le dégoût du monde et ses aspirations profondes le ramène à son domaine auquel il se consacre désormais. Ce retour à la terre est le thème central de sa poésie. Aussi, il est vu comme le créateur de « la poésie rustique » : le travail de la terre, la fréquentation des gens simples, le vin libérateur, avec en arrière-fond, le sentiment tragique de la brièveté de l’existence. La philosophie de Confucius et Zhuang y sont dominants. Il fut admiré par les plus grands, de Du Fu à Su Shi. Promu « poète du peuple » par la République populaire, il est aujourd’hui considéré comme un homme de lettres de tout premier plan. Source : Anthologie de la poésie chinoise, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard.