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Susana Peñalva

Le 6 juin soleil couchant

C’est le jour attendu depuis si longtemps. [...]

Le seul problème préoccupant reste le temps.*

 

Il pleut sur Paris ce matin de la fin du printemps

et c’est bien le jour de ton anniversaire je crois...

– comme celui du Débarquement :

Aujourd’hui le ciel se montre incertain et il a raison,

car si le vent violent rend la mer mauvaise, il nous pousse en avant.*

Est-ce ainsi qu’il pleuvait début juin

sur ta ville portuaire de la mer du Nord lorsque tu étais enfant ?

Il pleut et il fait triste ardoise sous ce ciel inclément...

Mais je me suis acheté́ un bouquet de roses jaunes :

elles semblaient lumineuses au marché ce matin

– elles luisent presque sauvages à présent...

surplombant du haut de leurs tiges vertes leur vase jaune opalin.

Un bouquet de roses jaunes contre le mur blanc :

sans doute pour me rappeler que le soleil existe et n’est pas noir...

Tout comme ce livre d’art qu’en quelque sorte t’appartient

– là où vendredi soir je suis tombée par hasard

sur ces tableaux d’une beauté́ sans égal :

Les Rochers d’Etretat...

Etretat soleil couchant.

Ces deux tableaux de notre peintre français

que nous ne verrons jamais ensemble probablement...

ni à Orsay ni au Grand Palais

ni là où la jeune fille de Bazille

taisait un dimanche matin son désespoir des yeux.

Ils sont trop loin d’ici... comme dispersés... à l’est et à l’ouest :

le monde les a voulus ainsi l’un de l’autre éloigné́...

– jamais réunis à nouveau, hélas !

oh Golden Eye...

Mais nous n’avons pas à nous plaindre de cela...

Car l’un de ces tableaux (plutôt les deux ?)

m’était apparu en rêve... merveilleux...

– beau qu’il était !

dans son exil russe ou américain.

Et j’avais écrit cela pour toi comme tu disais...

– tu t’en souviens sans doute ces jours-ci.

Peut-être pas.

Who dreamed that beauty passes like a dream?**

C’était ce rêve d’une côte accidentée

– voici deux mois –

et des reflets sur des immenses rochers...

Mais je ne savais pas que ça brillait...

sur la Manche... à Etretat

– cet entre-deux.

Maintenant tu sais puisque tu y es, n’est-ce pas ?

my Golden Eye !

Les roses jaunes dans leur vase à fleurs ;

ces rochers peints dans la mer irisée...

eux à présent me tiennent compagnie : comme je t’attends... qui sait...

  • c’est début juin –

  • comme la France attendait.

Et c’est immense comme cette falaise trouée...

comme je t’aurais attendu...

peut-être toute une vie

– immense avec ses trous...

la vie entière soudain.

Paris, 6-7 juin 2005 - 26 avril 2009

* Lettre de Reeves à Carson McCullers, datée « Début juin 1944 », citée par Carlos L. Dews dans la présentation de la Correspondance de Carson et Reeves McCullers pendant la Seconde Guerre mondiale, (Traduit de l’américain par Jacques Tournier), Domaine étranger / Editions 10/18, Inédit, 2001, p. 116.

** William B. Yeats, “The Rose of the World” (1891), Quarante-cinq poèmes, suivis de La Résurrection, (Présentation, choix et traduction de Yves Bonnefoy), Edition bilingue, nrf Poésie / Gallimard., 1993, p. 36.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Des floraisons sauvages, Susana Peñalva, inédit, 2016.

Biographie

 

Susana Peñalva est docteur en sociologie, écrivain et traductrice littéraire. Elle participe activement à di érents réseaux de recherche et à des colloques internationaux axés sur l’action publique et les politiques sociales. Elle collabore régulièrement avec les revues Nunc, Europe qui ont publié ses traductions des poèmes Enrique Molina et Olga Orozco. Actuellement, elle poursuit sa traduction de l’œuvre poétique d’Enrique Molina (1941-1995). Source : l'auteur.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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