Shu Cai
单独者
Seul
这是正午!心灵确认了。
太阳直射进我的心灵。
没有一棵树投下阴影。
我的体内,冥想的烟散尽,
只剩下蓝,佛教的蓝,统
把尘世当作天庭照耀。
我在大地的一隅走着,
但比太阳走得要慢,
我总是遇到风……
我走着,我的心灵就产生风,
我的衣襟就产生飘动。
鸟落进树丛。石头不再拒绝。
因为什么,我成了单独者?
在阳光的温暖中,太阳敞亮着,
像暮年的老人在无言中叙说
倾听者少。听到者更少。
石头毕竟不是鸟。
谁能真正生活得快乐而简单?
不是地上的石头,不是天上的太阳
Il est midi ! J’en suis persuadé.
La lumière du soleil éclaire mes pensées.
Les arbres ne projettent aucune ombre.
En moi se dissipent les brumes de la méditation
Ne persiste que le bleu, cette couleur bleutée du bouddhisme, l’unité
Qui porte sur le monde d’ici-bas la lumière du Ciel
J’avance en marchant sur une parcelle du monde
Mais j’avance plus lentement que le soleil
Toujours à la rencontre du vent
Je marche, et de mon esprit naît le vent
Le pan de mon habit flotte dans le vent
Les oiseaux descendent et se posent dans le bosquet. La pierre cesse de se refuser.
Alors pour quelle raison suis-je devenu pareil solitaire ?
Dans la chaleur du jour, le soleil s’épanouit
Comme au soir de leur vie, les vieilles personnes n’ont plus besoin de mots
Prêtent moins d’attention quand on parle, et n’écoutent presque plus.
Après tout, une pierre n’est pas un oiseau.
Qui veut vraiment d’une vie simple et heureuse ?
Ni la pierre sur la terre, ni le soleil dans le ciel
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : traduction de Nicolas Idier, 2016.

水能去哪里呢
Où l’eau s'en va-t-elle ?
两只脚却不愿上楼
仿佛是风挽留我
让我在水边坐一会儿
一会儿有时是很久
坐着坐着常常坐忘了时间
一阵风把九月的凉爽
撒满我眼前的水面
夜色让一切都美
矮树,栏杆,湖面
水波美得微微颤动
仿佛水底下也有一颗心
安静让周围发光
路灯给水面铺了一条路
水能去哪里呢
水和水一起闪光
我看见月亮快要圆了
这给残缺的生活
一种必要的安慰
一天过了就过了
风总是不断地吹来
身边的桑树,坐着的
条凳,它们都知道
我为什么愿意傻坐着
因为可以忘记
因为不会睡着
因为家已经没有了
身体成了我惟一的伙伴
Où l’eau s'en va-t-elle ?
Deux pieds, mais qui se refusent de rentrer à l'abri
Comme si le vent les retenait
Me forçant à rester assis un instant sous la pluie
Parfois, un instant peut durer très longtemps
Assis, assis, encore assis à en oublier le temps
Souffle la douce brise de septembre
Elle glisse à la surface de l’eau devant moi
La couleur de la nuit embellit toute chose
Les arbustes, la balustrade et le lac
Des vagues légères ondulent, imperceptibles
Comme si, dans la profondeur des eaux se trouvait aussi un cœur
Apportant sérénité à l’aura lumineuse
La lumière des lanternes projette un chemin à la surface de l’eau
Où l’eau s’en va-t-elle ?
L’eau du lac et l’eau de pluie ensemble scintillent
Je regarde la lune qui bientôt sera pleine
La vie n’est-elle jamais complète
Sans cesse nous cherchons un confort nécessaire
Mais quand le jour se termine, le jour s’est terminé
Jamais le vent ne cesse de souffler
Je m’assois en dessous du mûrier
Les bancs publics n’ignorent aucun secret
Pourquoi donc suis-je encore assis comme un idiot ?
Parce que je veux oublier
Parce que je ne trouve plus le sommeil
Parce que je n’ai toujours pas de famille
Et que je n’ai d’autre compagnon que moi-même
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : traduction de Nicolas Idier, 2016.
此刻
Instant
我在我不在的某个地方
哒哒哒,钻探声就这样把我带走
歌或哭都不能平息内心
闭上眼,泪和雨仿佛都去了远处
Instant
Je suis et je ne suis pas là
Da, Da, Da, le son d’une vrille me transporte
Ni les chants ni les pleurs ne peuvent me consoler
Les yeux clos, les larmes et la pluie s’en vont loin d'ici
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : traduction de Nicolas Idier, 2016.
夜里传来雨声
Avec la nuit vient le bruit de la pluie
夜已经很深了
马路上偶尔滚过很响的声音
我不认为那是一辆载重卡车
没准是熟睡的城市
在睡梦中发出的呼噜声
突然窗帘外吵闹起来
好像一群麻雀争着说话
我的耳朵自己就竖起
这是非常熟悉的声音
我心里一下子明白
窗外的世界发生了什么
多数人睡了屋顶睡了街道睡了
但仍然有眼睛醒着上帝也醒着
雨点就这样纷纷纷纷落下来
Avec la nuit vient le bruit de la pluie
La nuit est avancée, profonde
Au hasard du chemin résonne un bruit puissant
Il ne me semble pas qu’il s’agisse de celui d’un poids-lourd
Bien plutôt la rumeur d’une ville endormie
Qui ronfle au rythme du sommeil profond
Et des disputes qui éclatent derrière les volets clos
Pareilles au pépiement de moineaux énervés
Mes oreilles se dressent d’elles-mêmes
Ce sont pour elles des bruits si familiers
Du fond de mon cœur je comprends
Tout ce qui se passe dans le monde extérieur
Des habitants assoupis, comme les toits de leurs maisons et les rues
Cependant, des yeux grand ouverts, les yeux des dieux
Comme des milliers de gouttes de pluie, descendent du ciel
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : traduction de Nicolas Idier, 2016.
雅歌
Cantique
此刻 窗外一闪一闪
像是要把夜间的天空剖开
让我看看它的心在哪里
雷声应该就是心跳吧
轰的一声 隆的一声
现在上帝把雨点撒下来了
这条街道已经干渴了一天
此刻 我静心 坐着
我也把赤裸的胸口敞开给闪电
但是 我的心又在哪里呢
我悄悄呼吸着谁的名字
灰蒙蒙把天压得很低
我知道月亮上升到更高的地方
灭了灯的屋子其实亮着
我感觉身边有叶片颤动
看上去 身体已经睡了
但心醒着 如同这些闪电
亲爱的 不管你多么遥远
对我的心 你就是最近的
你就住在心的房子里
胸膛是心租的房子吧
我让呼吸在屋檐下等你
我甚至想 我的心就是天空
À ce moment précis, par l’entrebâillement d’une fenêtre,
Le ciel découpe la nuit
Que je puisse voir l’emplacement de son cœur
Le tonnerre en est la palpitation
Hong ! Long !
Et voilà que le Seigneur d’En-Haut fait tomber la pluie
Un jour que cette rue était assoiffée
À ce moment précis, j’adopte l’assise quiète
J’offre à la foudre mon buste découvert
Mon cœur, lui, où se trouve-t-il ?
Quel est le nom de ce Moi qui respire calmement ?
Sombre, je surveille le ciel bas et lourd
Je sais que le clair de lune se lève dans des endroits élevés
Les lumières sont éteintes ; éclairée, la demeure
Je sens l’air vibrer tout autour de mon corps
Il semblerait bien que je sois endormi
Néanmoins mon cœur, lui, s’éveille comme les éclairs de l’orage
Ma tendre, peu importe la distance
Vous restez toute proche de mon cœur
Vous habitez mon cœur
Ma poitrine est la location de mon cœur
Je laisse mon souffle aller sous l’auvent de mon cœur et vous attends
A tel point que mon cœur rejoint la voûte céleste
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : traduction de Nicolas Idier, 2016.
Biographie
Shu Cai, né sous le nom Chen Shucaï en 1965 dans la province du Zhejiang, est poète et traducteur. Diplômé de langue et littérature française, il a été diplomate de 1990 à 1994 à l’Ambassade de Chine au Sénégal. Chercheur en poésie française à l’Institut des Littératures Étrangères de l’Académie des Sciences Sociales de Chine, il vit et travaille actuellement à Beijing. Traducteur de poésie, il a publié de nombreuses traductions de Pierre Reverdy, René Char, Yves Bonnefoy, Saint-John Perse et d’autres poètes contemporains. Il est lui-même auteur d’une œuvre importante. Son dernier recueil est intitulé Exercices de Rythme (2014).