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Raymond Queneau

Encore le cycle de l'eau

 

La pluie vadrouille entre les chênes

se frotte aux nids de lichens

s'enfonce à travers l'humus

on la croit morte ou perdue

 

sassé par les branches torses

le soleil sèche feuilles écorces

voici la pluie réapparue

elle renaît dans ce ru

 

elle ira jusqu'aux usines

jusqu'aux égouts jusqu'aux sardines

et reviendra comme autre pluie verdir les chênes orangés

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Courir les rues. Battre la campagne. Fendre les flots, Raymond Queneau, Poésie / Gallimard, Paris, 1981.

Encore le cycle de l'eau

Au lever du jour

l'eau s'éparpille

l'herbe est constellée

de grains liquides

 

le temps de boire le café

l'H2O s'est envolée

 

chacun prend sa teinte jaune

brune ou mordorée

le blé cuit la sauterelle saute

le bœuf est altéré

 

on regarde dans un coin du ciel

un nuage peut-être torrentiel

 

il part sans s'être dégonflé

le soleil est bien fatigué

et c'est pourtant la nuit qui tombe

et le repos sur le monde

 

dans la nuit réapparaît

l'eau fraîche qui s'éparpille

le ciel est constellé

de grains liquides

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Courir les rues. Battre la campagne. Fendre les flots, Raymond Queneau, Poésie / Gallimard, Paris, 1981.

Biographie

Queneau (1903-1976) est un poète, romancier, dramaturge et mathématicien français, co-fondateur de l’Oulipo. Né au Havre (« Ma mère était mercière et mon père mercier / Ils trépignaient de joie »), il y fait ses études au lycée puis à la faculté des Lettres de Paris. Après avoir fréquenté le groupe surréaliste, dont il subit l'influence, il entre en 1938 aux Éditions Gallimard où il est lecteur, traducteur de l'anglais puis membre du comité de lecture. Assidu aux cours d’Alexandre Kojève sur Hegel, il effectue des recherches sur les « fous littéraires », et approfondit son intérêt pour les mathématiques (il entrera en 1948 à la Société mathématique de France). Son œuvre, d’abord pessimiste, se teinte peu à peu d’un humour savant : Pierrot mon ami (1943) montre un double de Queneau détaché et naïf. Avec les Exercices de style (1947) vient le succès populaire. Il entre en 1950 à l’académie Goncourt et au Collège de pataphysique, où il aura le titre de Transcendant Satrape. Il dirige la rédaction de l’Encyclopédie de la Pléiade, et Zazie dans le métro, publié en 1959, lui apporte la notoriété. Il fonde avec François Le Lionnais l’Oulipo en 1960, s’intéresse aux œuvres « potentielles » dont les Cent mille milliards de poèmes restent le meilleur exemple. Son souci de la forme, les structures narratives, parfois cachées, sont au cœur de son œuvre. Son dernier ouvrage, Morale élémentaire, présente une forme fixe nouvelle que les oulipiens reprendront souvent. Sources : oulipo.net, gallimard.fr.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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