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Raymond Carver

Listening / À l'écoute

It was a night like all the others. Empty
of everything save memory. He thought
he’d got to the other side of things.
But he hadn’t. He read a little
and listened to the radio. Looked out the window
for a while. Then went upstairs. In bed
realized he’d left the radio on.
But closed his eyes anyway. Inside the deep night,
as the house sailed west, he woke up
to hear voices murmuring. And froze.
Then understood it was only the radio.
He got up and went downstairs. He had
to pee anyway. A little rain
that hadn’t been there before was
falling outside. The voices
on the radio faded and then came back
as if from a long way. It wasn’t
the same station any longer. A man’s voice
said something about Borodin,
and his opera Prince Igor. The woman
he said this to agreed, and laughed.
Began to tell a little of the story.
The man’s hand drew back from the switch.
Once more he found himself in the presence
of mystery. Rain. Laughter. History.
Art. The hegemony of death.
He stood there, listening.

Rain / Pluie

 

Woke up this morning with
a terrific urge to lie in bed all day
And read. Fought against it for a minute.

Then looked out the window at the rain.
And gave over. Put myself entirely
in the keep of this rainy morning.

Would I live my life over gain?
Make the same unforgivable mistakes?
Yes, given half a chance. Yes.

 

 

Réveillé ce matin avec

une envie terrible de rester au lit toute la journée

et de lire. M’y suis opposé quelques minutes.

 

Ai regardé la pluie à travers la fenêtre.

Et lâché prise. Me mettant entièrement

à l’abri de ce matin pluvieux.

 

Serais-je prêt à revivre ma vie ?

Avec les mêmes erreurs impardonnables ?

Oui, si c’était seulement possible. Oui.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : extrait de Where Water comes Together with Other Water (1985), in All of Us. The Collected Poems, Vintage, 1996 ; repris dans Un rayon de nuit. Quatre poèmes de Raymond Carver (traduits par Frédéric Neyrat, avec des lectures et des suggestions de Monique Allewaert), http://www.lampe-tempete.fr/rayondenuit.html

C’était une nuit comme les autres. Dénuée

de tout sauf de mémoire. Il pensa

être passé de l’autre côté des choses.

Mais non. Il lut un peu,

écouta la radio. Regarda un moment

par la fenêtre. Puis monta. Au lit,

il réalisa que la radio était restée allumée.

Mais ferma les yeux malgré tout.

Au plus profond de la nuit,

alors que la maison filait à l’ouest, il se réveilla

avec des voix qui murmuraient. Et se figea.

Alors il comprit que c’était seulement la radio.

Il se leva et descendit. Il devait

pisser de toute façon. Une pluie fine

tombait désormais dehors. À la radio,

les voix s’évanouirent et réapparurent,

comme si elles revenaient de loin. Ce n’était plus

la même station. La voix d’un homme

dit quelque chose à propos de Borodine,

et de son opéra Prince Igor. La femme

à qui il s’adressait acquiesça, et rit.

Commença à raconter un peu l’histoire.

La main de l’homme s’écarta de l’interrupteur.

Une fois de plus il se trouvait en présence

du mystère. Pluie. Rires. Histoire.

Art. L’hégémonie de la mort.

Il se tint là, debout, écoutant. 

 

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : extrait de Where Water comes Together with Other Water (1985), in All of Us. The Collected Poems, Vintage, 1996 ; repris dans Un rayon de nuit. Quatre poèmes de Raymond Carver (traduits par Frédéric Neyrat, avec des lectures et des suggestions de Monique Allewaert), http://www.lampe-tempete.fr/rayondenuit.html

 

Looking for work (2) / Avant l’ouvrage (2)

 

I have always wanted brook trout
for breakfast.

Suddenly, I find a new path
to the waterfall.

I begin to hurry.
Wake up,

my wife says,
you’re dreaming.

But when I try to rise,
the house tilts.

Who’s dreaming?
It’s noon, she says.

My new shoes wait by the door,
gleaming.

Avant l’ouvrage (2)

 

J’ai toujours voulu une truite de rivière

pour le matin.

Soudain, je trouve un nouveau chemin

vers la cascade.

Je commence à me dépêcher.

Lève-toi,

dit ma femme,

tu rêves.

Mais alors que j’essaie de me lever

la maison s’incline.

Qui rêve ?

C’est midi, dit-elle.

Mes nouvelles chaussures attendent près de la porte -

luisantes…

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : extrait de Where Water comes Together with Other Water (1985), in All of Us. The Collected Poems, Vintage, 1996 ; repris dans Un rayon de nuit. Quatre poèmes de Raymond Carver (traduits par Frédéric Neyrat, avec des lectures et des suggestions de Monique Allewaert), http://www.lampe-tempete.fr/rayondenuit.html

Biographie

Raymond Carver (1938-1988) est un romancier nouvelliste et poète américain. Il grandit à Yakima, dans l'État de Washington auprès d’un père, ouvrier dans une scierie et alcoolique, et d’une mère travaillant comme serveuse ou vendeuse. À l'âge de 18 ans, il se marie avec son amie de lycée, âgée de 16 ans, Maryann Burk. Deux ans plus tard, il travaille comme portier, ouvrier dans une scierie, ou comme vendeur et s'occupe de sa famille avec ses deux enfants. Après avoir déménagé en Californie, Raymond Carver s'intéresse à l'écriture. Il prend des cours d'écriture et de création avec le romancier John Gardner. Il poursuit ses études à l'université d'État de Chico, puis à l'université de Humboldt en Californie, à l'université de l'Iowa et Sacramento où il apprend beaucoup du poète Dennis Schmitz. Son premier recueil de poèmes, intitulé Near Klamath est publié en 1968. Dans les années 70 et 80, sa carrière d'écrivain décolle. Il enseigne alors dans diverses universités américaines. En 1977, il arrête de boire grâce à l'aide des Alcooliques Anonymes. Il décède d'un cancer du poumon en 1988. Source : wikipedia.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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