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Paul Celan

En bas

Rapatrié dans l’oubli,

le dialogue convivial de nos

yeux lents.

 

Rapatrié syllabe après syllabe, réparti

sur les dés aveugles le jour, vers quoi

se tend la main du joueur, grande,

dans l’éveil.

 

Et le trop de mes paroles :

déposé sur le petit

cristal dans le fardeau de ton silence.

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : Grille de parole, de Paul Celan, traduction Martine Broda, Point Poésie, 2008.

« La sentence caillou »

Den verkieselten Spruch in der Faust,

Vergißt du, daß du vergißt,

 

am Handgelenk Schießen

blinkend die Satzzeichen an,

 

durch die zum Kamm

gespaltene Erde

kommen die Pausen geritten,

dort, bei

der Opferstaude,

wo das Gedächtnis entbrennt

greift euch der Eine

Hauch auf.

 

La sentence caillou dans le poing,

tu oublies que tu oublies,

 

à ton poignet déferlent

en clignotant les cristaux de la ponctuation,

 

par la terre fendue

en crête

s’en viennent à cheval les pauses,

 

là-bas, près

du buisson de sacrifice,

là où la mémoire s’enflamme,

le souffle, unique, vous

saisit.

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : Renverse du souffle, de Paul Celan, traduction de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre, Librairie du XXXIe siècle, Seuil, 200 », p. 89.

Sibirisch

Bogengebete - du

sprachst sie nicht mit, es waren,

du denkst es, die deinen.

 

Der Rabenschwang hing

vorm frühen Gestirn:

mit zerfressenem Lidspalt

stand ein Gesicht - auch unter diesem

Schatten.

 

Kleine, im Eiswind

liegengebliebene

Schelle

mit deinem

weissen Kiesel im Mund:

 

Auch mir

steht der tausendjahrfarbene

Stein in der Kehle, der Herzstein,

auch ich

setze Grünspan an

an der Lippe.

 

Über die Schuttflur hier,

durch das Segenmeer heute

führt sie, unsere

Bronze-Strasse.

Da lieg ich und rede zu dir

mit abgehäutetem

Finger.

 

Sibérien

Arcs de prières – tu

ne t’y joignais pas, c’étaient,

tu le penses, les tiennes.

 

Le cygne-corbeau était suspendu

devant les premières étoiles :

fente des paupières dévorée,

se tenait un visage – aussi

sous cette ombre.

 

Petite, dans le vent de glace

oubliée, petite

clochette

avec ton

caillou blanc dans la bouche :

 

Moi aussi

j’ai la pierre aux-couleurs-de-mille-ans

dans la gorge, la pierre du cœur,

à moi aussi,

il me vient du vert-de-gris

sur la lèvre.

 

À travers les champs de décombre, ici,

par la mer de laîches, aujourd’hui,

elle passe, notre

route du bronze.

Je suis couché là et te parle,

un doigt

écorché vif.

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : La rose de personne, de Paul Celan, traduction Martine Broda, Jose Corti, 2002, p. 79.

Biographie

Paul Celan (1920-1970), de son vrai nom Paul Antschel est un poète et traducteur roumain de langue allemande, naturalisé français. Fils unique d’une famille juive allemande, vivant à Czernowitz, il rejoint en 1933 un groupe de jeunesse antifasciste qui publie un magazine, l'Étudiant rouge. En 1938, contraint par le numerus clausus introduit par l'antisémitisme d'État, il part étudier la médecine en France. De retour à Czernowitz pour des vacances mais piégé par la guerre, il y poursuit des études de littérature de langue romane à la faculté des Lettres. En 1942, ses parents sont arrêtés et envoyés dans un camp en Transnistrie ; son père meurt du typhus, et sa mère, selon certains témoignages, est exécutée d'une balle dans la nuque. Lui-même est interné dans un camp de travail en Moldavie jusqu’à sa libération par les Russes en 1944. Il change alors son nom pour Paul Celan, et s’installe à Bucarest comme traducteur et éditeur. En 1947, il s’installe à Paris, se marie avec le graveur Gisèle de Lestrange, avec qui il a un premier enfant, qui ne survit pas, et un autre fils, Éric. En 1959, il accepte le poste de lecteur d'allemand à l'École Normale Supérieure et publie ses recueils les mieux connus : Pavot et mémoire et La Rose de personne. À partir de 1965, il est plusieurs fois interné dans un asile psychiatrique. Dans la nuit du 19 au 20 avril 1970, Paul Celan se jette dans la Seine. Sa poésie est marquée par un vocabulaire allemand veiné d’alliages nouveaux, d’inventions de mots secrets et étranges, et d’importations de mots hébreux. Il est aujourd’hui un des poètes de langue allemande les plus étudiés. Sources : Wikipédia, espritsnomades.com.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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