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Ossip Mandelstam

« J’ai oublié le mot »

J'ai oublié le mot que j'allais prononcer.

L'hirondelle aveugle retourne au royaume des ombres,

L'aile rognée jouer avec les transparentes.

Un chant nocturne chante en cette pâmoison.

 

Les oiseaux se sont tus. L'immortelle n'a pas fleuri.

Leur crinière est limpide aux nocturnes troupeaux.

La barque flotte vide en un fleuve tari

Et parmi les grillons la parole se pâme.

 

Pour s'élever, temple ou coupole, lentement,

Et soudain contrefaire Antigone démente,

Ou tomber à nos pieds comme hirondelle morte,

Parée d'un rameau vert et de douceur stygienne.

 

Ô ! rendre aux doigts voyants seulement la pudeur

Et la saillante joie de la reconnaissance.

Je crains plus que tout le sanglot des Aonides,

La cloche, le brouillard et la faille béante.

 

Les mortels ont ce don – reconnaître et aimer,

Même le son coule dans leurs doigts comme une onde,

J'ai oublié le mot que j'allais prononcer.

Désincarnée l'idée retourne au royaume des ombres.

 

Pourtant cc n'est pas ce que dit la transparente –

Antigone, l'amie, l'hirondelle...

Le souvenir de la cloche stygienne

Bible sur les lèvres ainsi que le gel noir.

Novembre 1920

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : Tristia, d'Ossisp Mandelstam, traduit du russe par Français Kérel, Poésie-Gallimard, p. 88.

« Le matin »

Le matin, insondable de tendresse,

 La demi-conscience et le demi-sommeil,

 Et l'oubli inassouvi,

 Des pensées le brumeux carillon...

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : Tristia, d'Ossip Mandelstam, traduit du russe par Michel Aucouturier, Imprimerie Nationale, 1994.

Biographie

Ossip Mandelstam (1891-1938) est un poète russe. Né à Varsovie, il grandit à Saint-Pétersbourg dans un entourage familial tendre et cultivé. Son père est un commerçant en maroquinerie et sa mère enseigne le piano. Il suit les cours de la prestigieuse école Tenishev, puis de la Sorbonne à Paris et de l’université d’Heidelberg en Allemagne. De retour dans sa ville, il devient membre de la Guilde des poètes et devient une des principales figures de l'école acméiste. En 1922, il publie Tristia, dont les poèmes prophétisent son futur exil. Quelques années plus tard, alors qu'il est suspecté d'« activité contre révolutionnaire », il compose une épigramme contre Staline. Arrêté, exilé à Tcherdyne puis à Voronej, il est à nouveau et condamné à cinq ans de travaux forcés en 1937. Il meurt d’épuisement pendant le voyage qui le conduisait dans un camp aux portes de la Kolyma. Son corps est jeté dans une fosse commune. Source : Wikipedia.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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