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Octavio Paz

Como quien oye llover /

Comme on entend la pluie (extrait)

Óyeme como quien oye llover,

ni atenta ni distraída,

pasos leves, llovizna,

agua que es aire, aire que es tiempo,

el día no acaba de irse,

la noche no llega todavía,

figuraciones de la niebla

al doblar la esquina,

figuraciones del tiempo

en el recodo de esta pausa,

óyeme como quien oye llover,

sin oírme, oyendo lo que digo

con los ojos abiertos hacia dentro,

dormida con los cinco sentidos despiertos,

llueve, pasos leves, rumor de sílabas,

aire y agua, palabras que no pesan:

lo que fuimos y somos,

los días y los años, este instante,

tiempo sin peso, pesadumbre enorme,

óyeme como quien oye llover,

relumbra el asfalto húmedo,

el vaho se levanta y camina,

la noche se abre y me mira,

eres tú y tu talle de vaho,

tú y tu cara de noche,

tú y tu pelo, lento relámpago,

cruzas la calle y entras en mi frente,

pasos de agua sobre mis párpados,

óyeme como quien oye llover,

el asfalto relumbra, tú cruzas la calle,

es la niebla errante en la noche,

es la noche dormida en tu cama,

es el oleaje de tu respiración,

tus dedos de agua mojan mi frente,

tus dedos de llama queman mis ojos,

tus dedos de aire abren los párpados del tiempo,

manar de apariciones y resurrecciones,

óyeme como quien oye llover,

pasan los años, regresan los instantes,

¿oyes tus pasos en el cuarto vecino?

no aquí ni allá: los oyes

en otro tiempo que es ahora mismo,

oye los pasos del tiempo

inventor de lugares sin peso ni sitio,

oye la lluvia correr por la terraza,

la noche ya es más noche en la arboleda,

en los follajes ha anidado el rayo,

vago jardín a la deriva

—entra, tu sombra cubre esta página.

 

Comme on entend la pluie

Écoute-moi comme on entend la pluie

ni attentive ni distraite,

les pas légers de la bruine,

l'eau dissoute en air, l'air tissé de temps,

le jour n'en finit pas de s'en aller,

la nuit n'est pas vraiment venue,

figurations du brouillard

à l' angle de la rue,

figurations du temps

au tournant de cette pause,

écoute-moi comme on entend la pluie,

sans écouter, écoute-moi parler

les yeux ouverts sur l'intérieur,

assoupie, chaque sens en éveil,

il pleut, des pas légers, rumeurs de syllabes,

l'air et l'eau, paroles qui ne pèsent :

ce que nous étions, ce que nous sommes

les jours et les années, cet instant même,

temps qui ne pèse, lourde peine,

écoute-moi comme on entend la pluie.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Árbol adentro, Editorial Seix Barral, Barcelona 1987. L'arbre parle, Octavio Paz, traduit de l'espagnol par Frédéric Magne et Jean-Claude Masson, Gallimard 1987, pp.130 et 131.

Biographie

Octavio Paz (1914-1998) est un poète, essayiste et diplomate mexicain. Né à Mexico, il est d'ascendance mexicaine par son père et andalouse par sa mère. Son père, avocat et promoteur de la réforme agraire, était conseiller du révolutionnaire Emiliano Zapata. Sa bibliothèque très pourvue lui permet, enfant, de se familiariser avec les civilisations préhispaniques. Lors de ses études, Paz entame une carrière littéraire fondant les revues Barandal en 1931 et Cahiers du val de Mexico en 1933, année où il publie son premier recueil de poèmes. En 1938, il se marie avec l'écrivain Elena Garro alors âgée de 17 ans. Il quitte la rédaction d'un journal ouvrier après la signature du pacte germano-soviétique en 1939 et rompt définitivement avec le parti communiste après l'assassinat de Trotski []. Entré en 1945 dans la carrière diplomatique, il vit en France à partir de 1946. Il y fréquente les surréalistes et plus particulièrement André Breton et Benjamin Péret dont il devient un ami proche. Nommé ambassadeur en Inde en 1962, il démissionne de son poste, lors de la répression par son gouvernement des étudiants de Tlatelolco durant les Jeux olympiques de Mexico. Entretemps, il épouse en secondes noces Marie-José Tramini à qui sont dédiés certains de ses plus beaux poèmes. Dans les années 1970, Paz prend la défense d'auteurs comme Alexandre Soljenitsyne et critique ouvertement l'action des sandinistes au Nicaragua et des castristes à Cuba]. Nourri par ses aventures existentielles et ses découvertes intellectuelles, Octavio Paz concilie une forme de mystique, convoquant les grandes figures de la mythologie précolombienne, avec une inspiration autobiographique plus quotidienne. Il reçoit le Prix Cervantès en 1981 et le prix Nobel de littérature en 1990. Source : wikipedia.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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