Kathleen Raine
Le désert
I came too late to the hills: they were swept bare
Winters before I was born of song and story,
Of spell or speech with power of oracle or invocation,
The great ash long dead by a roofless house, its branches rotten,
The voice of the crows an inarticulate cry,
And from the wells and springs the holy water ebbed away.
A child I ran in the wind on a withered moor
Crying out after those great presences who were not there,
Long lost in the forgetfulness of the forgotten.
Only the archaic forms themselves could tell!
In sacred speech of hoodie on gray stone, or hawk in air,
Of Eden where the lonely rowan bends over the dark pool.
Yet I have glimpsed the bright mountain behind the mountain,
Knowledge under the leaves, tasted the bitter berries red,
Drunk water cold and clear from an inexhaustible hidden fountain.
Je suis venue trop tard sur les collines : elles ont été balayées
Bien des hivers avant que je sois née du chant et de l’histoire,
Du charme de la parole avec la force de l’oracle ou de l’invocation,
Le grand frêne mort depuis longtemps près d’une maison sans toit,
Ses branches pourries, la voix des corneilles est un cri inarticulé,
Et des puits et des sources l’eau bénite a reflué.
Enfant je courais dans le vent sur la lande flétrie
En criant après ces grandes présences qui n’étaient pas là,
Perdues depuis longtemps dans l’oubli de l’oublié.
Seules les formes archaïques pourraient en parler !
Dans la parole sacrée de la corneille sur la pierre grise ou du faucon dans les airs,
De l’Éden où le sorbier solitaire se penche au-dessus de la mare sombre.
Mais j’ai aperçu la montagne radieuse derrière la montagne,
La connaissance sous les feuilles, goûté les baies rouges amères,
Bu l’eau froide et limpide à une fontaine cachée intarissable.
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : A poet’s guide to Britain, d'Owen Sheers, Penguin Classic, 2010 ; traduction Cécile A. Holdban.
Biographie
Kathleen Raine (1908-2003) est une poète britannique. Née à la frontière de l'Écosse, elle reste profondément attachée à ces paysages, gardant la nostalgie de ces terres synonymes pour elle de l'Éden perdu, et où planent la figure de sa mère et de son père. Installée à Londres, elle préside aux destinées de la Temenos Academy, centre d’étude des « Arts de l’imagination » et prolongement de la revue Temenos qu’elle dirige jusqu’au début des années 1990. Son œuvre s’inscrit dans l’héritage spirituel de Blake et de Yeats, auxquels elle a consacré de nombreux essais ; elle porte aussi l’empreinte de sa longue fréquentation des sages de l’Inde. Sources : Verdia, universalis.fr.