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Katerìna Anghelàki-Rooke

La petite échelle

Mon corps est une petite échelle que je pose contre le mur du monde. Je l'escalade, je tends le cou pour voir derrière le mur, derrière le rempart du sentiment. De plus en plus l'échelle oscille, de plus en plus je la dédaigne et veux m'abandonner sans lest à la vision des jardins. Pendant des jours je songe aux profondeurs de terre de l'union charnelle qui soutient les pelouses et toutes les racines de cette végétation effrénée. J'observe mais vient la fatigue. L'échelle est secouée sans cesse et les lumières éclairant le parc se font laiteuses et tournent à la nuit. Au bout d'un nombre d'années inconnu mais précis j'aurai oublié tous mes exercices dans le chaos. Je serai l'échelle pourrie oubliée contre le mur du jardin.

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : Amour contraire, 1982, traduction de Michel Volkovitch,

Violation

Où je me suis plongée pour te trouver

je ne vois plus l’être

et le prophète de mon cœur est muet.

Tu es sous une forme absolue

inaccessible à la vie elle-même

tu es une tache blanche

un peu d’eau trouble.

Je veux user

mon ultime lumière

là où rien

n’arrête l’œil :

je ne veux pas même une hirondelle à l’horizon

pas la moindre illusion.

Mon cœur sera mort sans doute

et moi je vivrai

je compterai sur la nature

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : Les papiers dispersés de Pénélope (1977), in Anthologie de la poésie grecque contemporaine 1945-2000, choix et trad. de Michel Volkovitch, préface de Jacques Lacarrière, Poésie / Gallimard, 2000, pp. 196-197.  

Biographie

Katerìna Anghelàki-Rooke (née 1939) est une poète grecque. Née à Athènes en 1939, elle y vit après des études qui l’ont amenée en France et en Suisse. Sa poésie, marquée par les poètes anglo-saxons, Sylvia Plath au premier rang, russes et côté grec par Karoùzos. Elle est proche de celle de la « génération de 70 » par son dosage d'abrupt et de fluidité, d'obscurité et de transparence. Ses poèmes, parfois longs, errants, sinueux, penchent vers la méditation, la spéculation (le tao, souvent, n'est pas loin), mais sans tomber dans l'abstrait. « Quel est le plus grand bonheur ? » lui demanda un journaliste. « L'amour qui devient création. La création qui devient amour. » Elle a publié près d’une douzaine de recueils. Source : Volkovitch.com.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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