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Jules Supervielle

Oublieuse mémoire (extrait)

L’oubli me pousse et me contourne

Avec ses pattes de velours,

Il est poussé par le silence

Et l’un de l’autre ils font le tour,

Doucereux étouffeurs d’amour.

On sait toujours à quoi ils pensent

Et c’est aux dépens de nos jours,

Eux qui confondent leurs contours

Et l’un l’autre se recommencent

Pour mieux effilocher nos jours

Jusqu’à l’ultime transparence,

Tout en faisant le cœur plus lourd

Pour presque empêcher son avance.

Voilà, voilà qu’ils l’ont glacé !

C’est leur façon de terrasser.

Oh ! que je tâte cette pierre

Qu’éclaire l’étoile polaire !

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : La Fable du monde, de Jules Supervielle, Poésie Gallimard, 1987, p. 107.

« C’est vous quand vous êtes partie »

L’oubli me pousse et me contourne

Avec ses pattes de velours,

Il est poussé par le silence

Et l’un de l’autre ils font le tour,

Doucereux étouffeurs d’amour.

On sait toujours à quoi ils pensent

Et c’est aux dépens de nos jours,

Eux qui confondent leurs contours

Et l’un l’autre se recommencent

Pour mieux effilocher nos jours

Jusqu’à l’ultime transparence,

Tout en faisant le cœur plus lourd

Pour presque empêcher son avance.

Voilà, voilà qu’ils l’ont glacé !

C’est leur façon de terrasser.

Oh ! que je tâte cette pierre

Qu’éclaire l’étoile polaire !

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : La Fable du monde, de Jules Supervielle, Poésie Gallimard, 1987, p. 147.

Dans l’oubli de mon corps

Dans l'oubli de mon corps

Et de tout ce qu'il touche

Je me souviens de vous.

Dans l'effort d'un palmier

Près des mers étrangères

Malgré tant de distances

Voici ce que je découvre

Tout ce qui faisait vous,

Et puis je vous oublie

Le plus fort que je peux

Je vous montre comment

Faire en moi pour mourir.

Et je ferme les yeux

Pour vous voir revenir

Du plus loin de moi-même

Où vous avez failli

Solitaire, périr.

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : La Fable du monde, de Jules Supervielle, Poésie Gallimard, 1987, p. 107.

« C’est vous quand vous êtes partie »

C'est vous quand vous êtes partie,

L'air peu à peu qui se referme

Mais toujours prêt à se rouvrir

Dans sa tremblante cicatrice

Et c'est mon âme à contre-jour

Si profondément étourdie

De ce brusque manque d'amour

Qu'elle n'en trouve plus sa forme

Entre la douleur et l'oubli.

Et c'est mon cœur mal protégé

Par un peu de chair et tant d'ombre

Qui se fait au goût de la tombe

Dans ce rien de jour étouffé

Tombant des autres, goutte-à-goutte,

Miel secret de ce qui n'est plus

Qu'un peu de rêve révolu.

 

 

Présences à Frontenay 2016, L'Oubli

Source : La Fable du monde, de Jules Supervielle, Poésie Gallimard, 1987, p. 107.

Biographie

Jules Supervielle (1884-1960) est un poète et écrivain franco-uruguayen. Né à Montevideo et issu d'une famille de banquiers d'origine basque, il est orphelin très jeune, ses parents étant emportés par le choléra. Élevé par son oncle et sa tante, il fait ses études à Paris et fréquente les milieux littéraires de l'avant-garde parisienne dans les années 1900. Après avoir effectué son service militaire, il décroche une licence d'espagnol à la Sorbonne et revient en Uruguay. Ses premières publications, les Poèmes de l'humour triste (1919) et L'homme de la pampa (1925), un roman désinvolte et fantaisiste, portent en filigrane les angoisses du poète. Mais c'est avec Débarcadères (1922), suivi de Gravitations, paru en 1925, que l'auteur révèle son style, que structure le choix d’un vocabulaire simple et clair. Installé dans le milieu littéraire parisien, il devient l'ami de Paul Valéry et de Henri Michaux. Il est en Uruguay lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Son amour de la France et sa santé défaillante lui inspirent le recueil Poèmes paru en 1945. L’année suivante, il revient à Paris en tant qu'attaché culturel honoraire uruguayen. Le grand prix de l'Académie française lui est attribué en 1955. Son œuvre, comme le souligne Jean-Michel Maulpoix, se tient à mi-chemin entre le classicisme et la modernité. Sources : eternels-eclairs.fr, babelio.com, Wikipedia.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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