Juana Bignozzi
el país mitológico / le pays mythologique
Desde sus cuatro clavos las fotos de la pared me dicen
del otro lado del mar nuestros huesos se deshacen,
del otro lado del mar hay flores rojas sobre ciertas tumbas
y silencio, rabioso silencio sobre otras
de este lado del mar,
en este hermoso mitológico país y casi nuestro
los rebeldes oficiales contemplan
sus balazos en la espalda,
sus fotos autorizadas;
las mejores vidas que me rodean pierden la forma,
a los rebeldes oficiales no les gustan ni las rabias ni las tristezas
los muertos que no olvidamos los irritan en particular,
pero qué se le va a hacer,
dando pruebas de falta de respeto
nuestros huesos se mueven amparados por su furia,
suelen decirse no estamos muertos.
Depuis leurs quatre clous les photos sur le mur me disent
de l’autre côté de la mer nos os se désintègrent,
de l’autre côté de la mer il y a des fleurs rouges sur certaines tombes
et du silence, du silence enragé sur d’autres…
de ce côté de la mer,
dans ce beau pays mythologique et presque nôtre
les rebelles officiels contemplent
leurs coups de feu sur le dos,
leurs photos autorisées ;
les meilleures vies qui m’entourent perdent de leur forme,
aux rebelles officiels ne leur plaisent ni les colères ni les tristesses
les morts que nous n’oublions pas les irritent particulièrement,
mais on n’y peut rien,
faisant preuve de manque de respect
nos os bougent protégés par leur rage,
ils se disent parfois : nous ne sommes pas morts.
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : Mujer de cierto orden [Femme d’un certain ordre] (1990), in Los nuevos (Sélection de Josefina Delgado et Luis Gregorich), Buenos Aires, Centro Editor de América Latina, coll. Capítulo / Biblioteca argentina fundamental, 1968, p. 107-108. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Susana Peñalva.
Biographie
I. Source : wikipedia.