José-Maria de Heredia
L’oubli
Le temple est en ruine au haut du promontoire.
Et la Mort a mêlé, dans ce fauve terrain,
Les Déesses de marbre et les Héros d'airain
Dont l'herbe solitaire ensevelit la gloire.
Seul, parfois, un bouvier menant ses buffles boire,
De sa conque où soupire un antique refrain
Emplissant le ciel calme et l'horizon marin,
Sur l'azur infini dresse sa forme noire.
La Terre maternelle et douce aux anciens Dieux
Fait à chaque printemps, vainement éloquente,
Au chapiteau brisé verdir une autre acanthe ;
Mais l'Homme indifférent au rêve des aïeux
Écoute sans frémir, du fond des nuits sereines,
La Mer qui se lamente en pleurant les sirènes.
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : Les Trophées, de José-Maria de Heredia, Poésie Gallimard, 1981.
Biographie
José-Maria de Heredia (1842-1905) est un poète et homme de lettres d'origine cubaine, naturalisé français en 1893. Né dans la plantation de café familiale, près de Santiago de Cuba, à l'âge de neuf ans, il est envoyé en France pour poursuivre ses études jusqu’au baccalauréat, en 1859. De retour à Cuba, il reste un an à La Havane, approfondissant sa connaissance de la langue et de la littérature espagnoles, puis retourne en France pour suivre des cours à la Faculté de droit de Paris et à l'École des chartes. En 1863, il rencontre Leconte de Lisle, collabore au Parnasse contemporain et se lie d'amitié avec Sully Prudhomme, Catulle Mendès et Anatole France. Son recueil, publié en 1893, Les Trophées est couronné par l'Académie française. Élu à cette même académie en 1894, son œuvre poétique a fait de lui l'un des maîtres du mouvement parnassien. Source : Wikipedia.