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Jean de La Fontaine

Le chêne et le roseau

Le Chêne un jour dit au Roseau :

« Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;

Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.

Le moindre vent, qui d'aventure

Fait rider la face de l'eau,

Vous oblige à baisser la tête :

Cependant que mon front, au Caucase pareil,

Non content d'arrêter les rayons du soleil,

Brave l'effort de la tempête.

Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.

Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage

Dont je couvre le voisinage,

Vous n'auriez pas tant à souffrir :

Je vous défendrais de l'orage ;

Mais vous naissez le plus souvent

Sur les humides bords des Royaumes du vent.

La nature envers vous me semble bien injuste.

- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,

Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.

Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.

Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici

Contre leurs coups épouvantables

Résisté sans courber le dos ;

Mais attendons la fin. » Comme il disait ces mots,

Du bout de l'horizon accourt avec furie

Le plus terrible des enfants

Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.

L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.

Le vent redouble ses efforts,

Et fait si bien qu'il déracine

Celui de qui la tête au Ciel était voisine

Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Fables, Jean de La Fontaine, Le Livre de Poche, 2002.

Biographie

Jean de La Fontaine (1621-1694) est un poète français. Né à Château-Thierry, et destiné à faire une carrière religieuse, il devient finalement avocat au Parlement de Paris. Il fréquente un cercle de jeunes poètes de la capitale, les Chevaliers de la Table Ronde. À l'âge de 31 ans, il devient maître des Eaux et Forêts du duché de Château-Thierry et rentre en 1658 au service du Surintendant Fouquet. Quand ce dernier est arrêté sur ordre de Louis XIV, La Fontaine souffre de la disgrâce de son maître. En 1660, il fait paraître son Élégie aux Nymphes de Vaux, puis entre 1665 et 1674 plusieurs volumes de Contes et Nouvelles. Son œuvre majeure reste bien sûr, ses Fables dont la composition s'est étalée de 1668 jusqu’à sa mort. Source : eternels-eclairs.fr.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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