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Henry David Thoreau

Journal (30 mars 1840)

 

Voyons, quelles choses m’intéressent aujourd’hui ? Une pluie incessante s’abat, ses gouttes ruisselant le long des chaumes, tandis que, sur le versant d’une colline désolée, je suis étendu en train de réfléchir, trempé, sur un lit d’avoine sauvage de l’année passée. Voilà ce qui m’intéresse en ce moment : contempler cette perle de cristal tout juste descendue du ciel pour me rejoindre – tandis que les nuages et le temps sombre, bruineux, cernent tout. Nous nous rapprochons et faisons connaissance, elle et moi.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Journal, 1837-1852, Mercure de France, 2002.

Walden ou la vie dans les bois (extrait)

 

When first I took up my abode in the woods, that is, began to spend my nights as well as days there, which, by accident, was on Independence Day, or the Fourth of July, 1845, my house was not finished for winter, but was merely a defence against the rain, without plastering or chimney, the walls being of rough, weather-stained boards, with wide chinks, which made it cool at night. (…)

Quand je m’installai dans les bois, au début, c’est-à-dire quand je commençai à y passer les nuits aussi bien que les jours, – ce qui arriva par hasard, le jour anniversaire de la Fête de l’Indépendance, le quatre juillet 1845 ma maison n’était pas encore prête pour l’hiver ; c’était seulement un abri contre la pluie, sans cheminée, sans revêtement de plâtre, les murs faits de planches grossières et tâchées par les intempéries, avec des fentes assez larges, qui la rendaient fraîche la nuit.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Walden ou la vie dans les bois, traduction de l’anglais par G. Landré-Augier, Aubier, Paris, 1967,    p. 187, 189, 207

Walden ou la vie dans les bois (extrait)

 

When first I took up my abode in the woods, that is, began to spend my nights as well as days there, which, by accident, was on Independence Day, or the Fourth of July, 1845, my house was not finished for winter, but was merely a defence against the rain, without plastering or chimney, the walls being of rough, weather-stained boards, with wide chinks, which made it cool at night. (…)

Quand je m’installai dans les bois, au début, c’est-à-dire quand je commençai à y passer les nuits aussi bien que les jours, – ce qui arriva par hasard, le jour anniversaire de la Fête de l’Indépendance, le quatre juillet 1845 ma maison n’était pas encore prête pour l’hiver ; c’était seulement un abri contre la pluie, sans cheminée, sans revêtement de plâtre, les murs faits de planches grossières et tâchées par les intempéries, avec des fentes assez larges, qui la rendaient fraîche la nuit.

 

For the first week, whenever I looked out on the pond it impressed me like a tarn high up on the side of a mountain, its bottom far above the surface of other lakes, and, as the sun arose, I saw it throwing off its nightly clothing of mist, and here and there, by degrees, its soft ripples or its smooth reflecting surface was revealed, while the mists, like ghosts, were stealthily withdrawing in every direction into the woods, as at the breaking up of some nocturnal conventicle. The very dew seemed to hang upon the trees later into the day than usual, as on the sides of mountains.

Pendant la première semaine, partout où je portais mes regards, vers l’étang, il me donnait l’impression d’un de ces lacs de montagne placés très haut, sur une pente, et dont le fond est bien au-dessus de la surface des autres lacs ; et quand le soleil se levait, je le voyais rejetant ses voiles nocturnes de brume, et ça et là, graduellement, les rides légères de ses eaux, ou sa surface polie comme un miroir, apparaissaient, tandis que les brumes, comme des fantômes, se retiraient furtivement de tous côtés vers les bois, comme se dissiperait quelque assemblée nocturne. La rosée même semblait rester suspendue aux arbres plus avant dans la journée, comme elle fait sur les pentes des montagnes.

 

Let us spend one day as deliberately as Nature, and not be thrown off the track by every nutshell and mosquito's wing that falls on the rails. Let us rise early and fast, or break fast, gently and without perturbation; let company come and let company go, let the bells ring and the children cry, — determined to make a day of it. Why should we knock under and go with the stream? Let us not be upset and overwhelmed in that terrible rapid and whirlpool called a dinner, situated in the meridian shallows.

Passons une journée aussi calmement que le fait la nature, sans nous laisser jeter hors des voies par chaque coquille de noix, chaque aile de moustique qui tombe qui tombe sur les rails. Levons-nous de bonne heure, et restons à jeun ; ou rompons notre jeûne lentement, sans agitation ; que les visiteurs viennent, et qu’ils partent, que les cloches sonnent, et que les enfants crient – décidés à célébrer cette journée. Pourquoi nous laisserions-nous vaincre et entraîner par le courant ? N’acceptons pas d’être renversés et engloutis dans ce terrible rapide, ce tourbillon appelé : un  dîner, situé dans les bancs du sable du milieu du jour.

(…)

Time is but the stream I go a-fishing in. I drink at it; but while I drink I see the sandy bottom and detect how shallow it is. Its thin current slides away, but eternity remains. I would drink deeper; fish in the sky, whose bottom is pebbly with stars. I cannot count one. I know not the first letter of the alphabet. I have always been regretting that I was not as wise as the day I was born.

Le temps n’est que le ruisseau où je vais pécher. Je bois son eau ; mais tandis que je bois, je peux voir le fond sablonneux, je peux apercevoir comme il est peu profond. Son mince courant s’écoule, mais l’éternité demeure. Je voudrai boire plus profondément ; et pécher dans le ciel, dont le fond est constellé de cailloux qui sont les étoiles. Je ne peux compter jusqu’à un regretté de n’être plus aussi sage que le jour de la naissance.

 

I went to the woods because I wished to live deliberately, to front only the essential facts of life, and see if I could not learn what it had to teach, and not, when I came to die, discover that I had not lived. I did not wish to live what was not life, living is so dear; nor did I wish to practise resignation, unless it was quite necessary.

Je m’en allai dans les bois parce que je voulais vivre sans hâte, faire face seulement aux faits essentiels de la vie, découvrir ce qu’elle avait à m’enseigner, afin de ne pas m’apercevoir, à l’heure de ma mort, que je n’avais pas vécu. Je ne voulais pas non plu apprendre à me résigner à moins que cela ne fût absolument nécessaire.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Walden ou la vie dans les bois, traduction de l’anglais par G. Landré-Augier, Aubier, Paris, 1967, p. 187, 189, 207.

Grand entête

Walden ou la vie dans les bois (extrait)

 

Poet. See those clouds; how they hang! That's the greatest thing I have seen to-day. There's nothing like it in old paintings, nothing like it in foreign lands — unless when we were off the coast of Spain. That's a true Mediterranean sky. I thought, as I have my living to get, and have not eaten to-day, that I might go a-fishing. That's the true industry for poets. It is the only trade I have learned. Come, let's along.

Le poète. Voyez ces nuages, comme ils sont suspendus ! C’est la chose la plus magnifique que j’ai vue aujourd’hui. Rien d’aussi beau dans les vieilles peintures, rien de semblable dans le pays étrangers – à moins que vous soyez au large des côtes d’Espagne. C’est un vrai ciel méditerranéen. J’ai pensé, comme il me faut gagner ma vie, et que je n’ai pas mangé aujourd’hui, que je pourrais aller à la pêche. C’est le vrai labeur du poète, le seul métier que j’ai appris. Venez donc avec moi.

 

Hermit. I cannot resist. My brown bread will soon be gone. I will go with you gladly soon, but I am just concluding a serious meditation. I think that I am near the end of it. Leave me alone, then, for a while. But that we may not be delayed, you shall be digging the bait meanwhile.

l’Ermite. Je ne résiste pas. Mon pain bis sera bientôt fini. Je vous rejoindrai avec plaisir dans un moment, mais j’arrive à la fin d’une grave méditation. Je crois que j’aurai bientôt terminé. Laissez-moi seul, donc, pendant quelques temps. Mais pour ne pas nous mettre en retard, mettez-vous donc à creuser pour trouver des vers, comme appât, pendant ce temps.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Walden ou la vie dans les bois, traduction de l’anglais par G. Landré-Augier, Aubier, Paris, 1967, p. 389.

Biographie

Henry David Thoreau (1817-1862)  est un philosophe, naturaliste et poète américain. Né à Concord, dans le Massachussetts, il entre à l'université Harvard en 1833 grâce à une bourse. Il y rencontre Waldo Emerson, chef de file du mouvement transcendantaliste naissant, qui devient son ami, puis son mentor. En 1835, il exerce le métier d'instituteur à Canton, puis de professeur à Concord avant de démissionner pour protester contre les châtiments corporels. À partir d'octobre 1837, il commence à écrire, sur une suggestion d'Emerson, un journal dans lequel il note ses observations sur la nature et ses critiques de livres. En 1838, il ouvre une école privée chez lui, rapidement rejoint par son frère John. Ils intègrent plusieurs concepts progressistes dans leur programme scolaire comme sorties d’éveil, herborisation, refus des sévices et association des enfants à la discipline, promenade dans les bois. Mais, en 1841, l’école doit fermer et Thoreau s’installe chez William Emerson, frère de Waldo, comme tuteur des enfants. En 1844, il revient à Concord pour travailler à la fabrique de crayons de son père. En mars 1845 et pour deux années, il s’installe dans une cabane en bois sur les rives de l'étang de Walden, pour y mener une expérience de vie simple décrite dans Walden ou la Vie dans les bois : « une vie de simplicité, d'indépendance, de magnanimité, et de confiance ». Thoreau participe ensuite à la lutte contre les lois esclavagistes, et, refusant de payer des impôts pour financer la guerre contre le Mexique, il est arrêté et emprisonné une nuit. De cette expérience il tirera son œuvre la plus célèbre, publiée en 1849, Désobéissance civile, qui inspirera notamment Gandhi, Léon Tolstoï et Martin Luther King. À partir de 1841, Thoreau se passionne pour l'orientalisme, le bouddhisme et la culture des Indiens d'Amérique. Il effectue des traductions du Bhagavad-Gîtâ et du Manavadharmashastra et en publie des passages dans The Dial. Thoreau possède alors la plus belle bibliothèque orientale en Amérique. Une tuberculose contractée en 1835 se ravive en 1859 suite à une excursion de nuit où il était allé compter les cernes des chicots d'arbres tombés lors d'une tempête. Son état de santé empire durant trois ans, malgré de brefs rétablissements, jusqu'à ce qu'il ne puisse se mouvoir. Il meurt à l'âge de 44 ans. Sources : jose-corti.fr, toupie.org, wikipedia.

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