Hart Crane
The Bridge: The Dance / Le pont : La danse (extrait)
Then you shall see her truly – your blood remembering its first invasion of her secrecy, its first encounters with her kin, her chieftain lover… his shade that haunts the lakes and hills.
The swift red flesh, a winter king—
Who squired the glacier woman down the sky?
She ran the neighing canyons all the spring;
She spouted arms; she rose with maize—to die.
And in the autumn drouth, whose burnished hands
With mineral wariness found out the stone
Where prayers, forgotten, streamed the mesa sands?
He holds the twilight’s dim, perpetual throne,
Mythical brows we saw retiring—loth,
Disturbed and destined, into denser green.
Greeting they sped us, on the arrow’s oath:
Now lie incorrigibly what years between . .
There was a bed of leaves, and broken play
There was a veil upon you, Pocahontas, bride—
O Princess whose brown lap was virgin May;
And bridal flanks and eyes hid tawny pride.
I left the village for dogwood. By the canoe
Tugging below the mill-race, I could see
Your hair’s keen crescent running, and the blue
First moth of evening take wing stealthily.
Alors tu pourras la voir en toute vérité – comme ton sang se rappelle la première invasion de son secret, la première rencontre avec son semblable, son amant et chef… lui dont l’ombre hante les lacs et monts
Chair rouge, chair vive, un roi d’hiver –
Qui escorta au bas du ciel la femme glacier ?
Elle a mené les canyons hennissants, le printemps tout entier ;
A déversé ses bras ; levé avec le maïs – pour mourir.
Et dans la sécheresse automnale, qui, de ses mains cuivrées, décela
Avec une prudence minérale la pierre de laquelle
Les prières, oubliées, s’écoulent parmi les sables du mesa ?
Du crépuscule il porte le trône éteint, perpétuel.
Les mythiques sourcils, nous les vîmes – revêches,
Froissés et fatals, se retirer dans le vert épaissi.
Ils nous favorisaient, ô salut ! par le serment de la flèche :
maintenant, combien d’ans nous séparent sans merci ?
Il y avait une couche de feuilles, et un jeu arrêté.
Il y avait un voile sur toi, Pocahontas, épousée –
Ô Princesse au giron bruni de vierge mai ;
Ses flancs et yeux d’épouse enfermaient une fauve fierté.
J’ai quitté le village en quête de cornouiller. Sur la rive
Du bief où battait dessous mon canoë, je pus voir
Le croissant effiler de tes cheveux fluer, puis, furtive,
La première phalène bleue prendre son envol du soir.
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : L’œuvre poétique, de Hart Crane, traduction de l’américain par Hoa Hôï Vuong, éditions Arfuyen, Paris-Orbey, 2015, p. 139.
Biographie
Hart Crane (1899-1932) est un poète américain. Né dans l’Ohio, sa famille séjourne sur la côte sud de Cuba en 1915, quand il tente de se suicider à la suite de disputes entre ses parents, qui divorceront en 1917. Il abandonne sa scolarité assez jeune, travaille dans une usine de munition, un chantier naval, puis dans l’usine paternelle avant de rompre tout lien avec lui en 1922. À vingt-quatre ans, il tombe amoureux d'Emil Opffer, un marin qui lui inspire son cycle de poèmes intitulé Voyages. À côté de Key West, recueil posthume prenant appui sur un séjour aux Caraïbes, The Bridge constitue son œuvre majeure, vaste poème épique retraçant le mythe de l'Amérique du Nord à travers une grande variété d'époques et de styles. Il se suicide le 27 avril 1932 en se jetant du pont d’un paquebot dans la mer des Caraïbes. Ses dernières paroles furent : « Goodbye, everybody ! » Il a influencé deux générations d’écrivains, dont Jack Kerouac, Frank O'Hara et Robert Lowell. Sources : Arfuyen, Wikipedia.