Hannes Brammess
Nattens Kontinent/ Le continent de la nuit (extrait)
Den som våker ser ikke inngangen
til natten, et brudd i
fortellingen, en stjerne
stjernen i søvnen, i åndedrettet, like
utenfor rekkevidde
Celui qui veille ne voit pas l’entrée
de la nuit, une rupture
dans l’histoire, une étoile
l’étoile dans le sommeil, dans le souffle, exactement
hors de portée
Du viste meg glemselen
du rodde båten inn i motlyset
over fjorden, du styrte
vinden fri av skogen gjennom natten
du styrte regnet, du strøk
regnet ut
Tu m’as montré l’oubli
tu as mené la barque dans le contre-jour
de l’autre côté du fjord, tu as guidé
le vent dans la nuit, tu l’as libéré de la forêt,
tu as détourné la pluie, tu as effacé
la pluie
(...)
Det jeg har glemt er natten
en elv under jorden
en åpning inn i et annet sinn
løftet om samtidighet
det jeg har glemt er regnet
som regner
som følger meg ned
Ce que j’ai oublié c’est la nuit
rivière souterraine
pénétration d’une autre intimité
promesse de coïncidence
ce que j’ai oublié c’est la pluie
qui pleut
qui me suit dans ma chute
Det jeg har glemt er begynnelsen
jeg bærer en byrde av søvn til vern mot
det mulige, derfor
ofret de, i overgivelse, bøyd inn
mot sin egen begynnelse
Ce que j’ai oublié c’est le commencement
je porte un fardeau de sommeil, défense contre
le possible, c’est pour cela
qu’ils sacrifiaient, en signe de reddition, prosternés
vers leur propre commencement
(…)
Du viste meg glemselen,
du pustet et lys i meg, en sol
du pustet hud til skyggene
jeg faller i ditt lys
elvene under jorden
elvene i nettverk under byen
stiger og synker
Tu m’as montré l’oubli,
ton souffle en moi s’est fait lumière, soleil
ton souffle a donné peau aux ombres
je tombe dans ta lumière
les rivières souterraines
les rivières en réseau sous la ville
s’élèvent et s’enfoncent
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : traduction inédite du norvégien par Anne-Marie Soulier.
Biographie
Hannes Brammess (née en 1959) est une poète norvégienne, reconnue comme une des plus importantes de sa génération. Après un séjour en Angleterre dans les années quatre-vingts, elle vit entre la Norvège et Berlin avec son mari, l’écrivain Lars Åmund Vaage. Elle publie son premier recueil, Korrespondanse, à vingt-quatre ans. On y voit affleurer le thème de la lumière, qu’elle ne cessera d’explorer par la suite. Sa bibliographie comprend des recueils, des romans pour la jeunesse et de nombreuses traductions de poètes comme Sylvia Plath, Denise Levertov, Selima Hill, William Blake, l’Indienne Kamala Das, l’Estonienne Marie Under. Hanne Bramness obtient en 1996 le Prix du Club de Poésie Norvégien pour ses traductions, et en 2006 le très recherché Doblougspris, décerné par une académie suédoise. Source : éditions Le Murmure.
Nattens Kontinent/ Le continent de la nuit (extrait)
À tout moment ça va monter du vent, de l’espace entre le choc et le son, ça grandit à travers les mailles de la terre, ça moissonne en son sein des étoiles brûlées, et ça encercle l’axe de la nuit, gelé jusqu’à la chair dans les ombres d’un rêve, le rêve d’un temps que l’on vivrait ensemble. Ça vient du chant, des passages, de la transmission et ça fait sauter les contacts de la pupille. Du sommeil ça vient, de la transparence des pierres. Qu’importe à présent quel jour quelle nuit, l’oubli viendra frôler ta première gorgée d’air.
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : traduction inédite du norvégien par Anne-Marie Soulier.