Haggai Linik
חגי ליניק / אתה יכול להיות כל כך בודד
Parfois tu te sens si seul
אתה יכול להיות כל כך בודד
עד שאין לך ברירה אלא לזכור
את הברית מילה של עצמך
ולמרות שהשקו אותך ונצלו את חוסר ההבנה
לא הצליחו למנוע ממך את הצווחה
ולזכור את החתונה של ההורים שלך
את שבירת הכוס וקולות הצהלה
ולזכור שבליסבון היה רעש אדמה נורא
ובאירופה היו שתי מלחמות
האחת אחרי השנייה
אתה יכול להיות כל כך בודד
עד שאין לך ברירה אלא לזכור
מתי פתחת את הראש וירד לך דם
ואת מי נישקת ראשון בגן
מתי ראית פעם ראשונה ים
אתה יכול להיות כל כך בודד
עד שכל מילה שאומרים לך
נשמעת לך מכוערת ומלאת רימה
ואין לך ברירה אלא לשקוע
ולהיזכר למה התחפשת בגן חובה
אתה יכול להיות כל כך בודד
שנקודת הפתיחה היא לא
תאריך הלידה אלא רגע
שמצאת בזיכרון שלך
ומתברר לך שהוא בכלל לא שלך
אתה יכול להיות כל כך בודד
עד שהגוף שלך כבר לא רק שלך
ואתה מביט סביבך ונזכר
איך לפני שנים אכלת חילזון כי לא ידעת
שבוטנים מסתתרים בבטן האדמה
אתה יכול להיות כל כך בודד
עד שאין לך ברירה אלא להיזכר
איך יום אחד מתחת למיטה
שחיתה שחית שחיית חזה
כי כולם הלכו לקבור את אחיך היפה
Parfois tu te sens si seul
que tu ne peux t’empêcher
de te souvenir
de ta propre circoncision
malgré le vin et l’absence d’entendement
ils n’ont pas réussi à étouffer le cri
Te souvenir du mariage de tes parents
du verre brisé, des hennissements de joie
te souvenir du terrible séisme de Lisbonne
de l’Europe et de ses deux guerres
l’une après l’autre
Parfois tu te sens si seul
que tu ne peux t’empêcher
de te rappeler de la fois
où tu t’es ouvert le crâne et que le sang a coulé
du premier baiser que tu as donné à la crèche
de la première fois que tu as vu la mer
Parfois tu te sens si seul
que tous les mots qu’on te dit
te paraissent laids et faux
et tu ne peux t’empêcher de sombrer
et de te souvenir pourquoi
tu te déguisais à la maternelle
Parfois tu te sens si seul
que le point de départ n’est plus
ta date de naissance mais un moment
que tu as trouvé dans ta mémoire
et qui au final ne t’appartient pas
Parfois tu te sens si seul
que ton corps n’est plus seulement à toi
et tu regardes autour de toi et te souviens
de la fois où tu as mangé un escargot
parce que les arachides
se cachent dans le ventre de la terre
Parfois tu te sens si seul
que tu ne peux t’empêcher
de te rappeler de la fois
où sous le lit tu as fait des brasses
parce que tout le monde était parti
enterrer ton frère si beau
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : poème inédit, qui paraîtra dans le prochain album du groupe Antishefa, traduction de Sabine Huynh.
חגי ליניק / אמרו שהוא מת
Ils ont dit qu’il était mort
אמרו שהוא מת
אמרתי: לא.
הוא רק ישן
אני חוזר ואומר
הוא רק ישן
הקשיבו לצעדים הכפולים
אנחנו מתקדמים
צרחה בקעה מהרמקול
ההלויה בעוד חמש דקות
אמרתי לא
הוא רק ישן
אני חוזר ואומר
אמרו שהוא מת
נסו לשכנע.
הוא רק ישן
לבו ער
הקשיבו לצעדים
אני חוזר ואומר.
Ils ont dit qu’il était mort
J’ai dit : Non.
Il dort, c’est tout
Je le dis et le redis
Il dort, c’est tout
Écoutez les double-pas
Nous avançons
Un hurlement jaillit du haut-parleur
L’enterrement est dans cinq minutes
J’ai dit non
Il dort, c’est tout
Je le dis et le redis
Ils ont dit qu’il était mort
Ont essayé de me convaincre.
Il dort, c’est tout
Son cœur bat
Écoutez les pas
Je le dis et le redis.
Présences à Frontenay 2016, L'Oubli
Source : revue Helicon, #102, été 2013, traduction de Sabine Huynh.
Biographie
Haggai Linik (né en… ) est romancier, dramaturge et poète israélien. Cadet de six frères, sa vie à neuf ans est marquée par la mort son frère aîné à l’armée. Il étudie le jazz au Berklee College of Music. Son roman, The Prompter, a remporté le Prix Sapir 2011, l'équivalent israélien du Prix Booker. Le thème dominant de son œuvre est la mort de son frère Zohar (Zohar : « lumière éclatante, brillance ») et de sa mère dont la vie s’est alors brisée. Il confie à Sabine Huynh avoir pensé à la mort de Jésus en écrivant son poème Ils ont dit qu’il était mort. Sources : Sabine Huynh, thedeborahharrisagency.com.