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Léopold Sédar Senghor

Il a plu

Il a plu toute la nuit.

J'ai pensé à toi sous la fulgurance sulfureuse des ténèbres.

La mer bavait sur les brisants des tuiles vertes, la mer meuglante

Sous le tonnerre et la tornade, nous gémissions sous l'Angle de la mort

D'une longue plainte et si douce

 

Me voici dans le gouffre du palais sonore

Dans les moiteurs, les migraines, comme à Dyilôr jadis

Ma mère ceignait mes angoisses de feuilles de manioc, les saignait.

A Joal comme autrefois, il y a cette souffrance à respirer qui colle visqueuse à la passion.

Cette fièvre aux entrailles le soir, à l'heure des peurs primordiales.

 

Je rêve aux rêves de jeunesse.

Mon ami l'Étranger disait la fraîcheur des prés en Septembre

Et les roses de Tinchebray qui s'irisent dans la candeur du matin

Je rêvais d'une jeune fille au cœur odorant.

Et quand elle se fâchait, on délirait, ses yeux jetaient des éclairs

 

Je souffre, comme toi n'est-ce-pas ? Comme la nuit d'hivernage.

 

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Lettres d’hivernage, Léopold Sédar Senghor, Le Seuil, Paris, 1972.

Biographie

Léopold Sédar Senghor (1906-2001) est un poète, écrivain, homme politique français, puis sénégalais et premier président de la République du Sénégal. Né à Joal, au Sénégal, il fait ses études à la mission catholique de Ngasobil, au collège Libermann, à Dakar ensuite, et à Paris, au lycée Louis-le-Grand et à la Sorbonne. Il est reçu à l'agrégation de grammaire en 1935. Encore étudiant, il crée avec Aimé Césaire et Léon Gontran Damas la revue contestataire L'Étudiant noir. C'est dans ces pages qu'il exprimera pour la première fois sa conception de la négritude : « la Négritude, c’est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vie, les institutions et les œuvres des Noirs. Je dis que c’est là une réalité : un nœud de réalités ». Tout en enseignant les lettres et la grammaire au lycée Descartes à Tours (1935-1938), il suit les cours de linguistique négro-africaine de Lilias Homburger à l'École pratique des hautes études et ceux de Paul Rivet, de Marcel Mauss et de Marcel Cohen à l'Institut d'ethnologie de Paris. Nommé professeur au lycée Marcellin Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés en 1938, il est mobilisé en 1939 et fait prisonnier en juin 1940. Réformé pour maladie en janvier 1942, il participe à la Résistance dans le Front national universitaire. De 1944 jusqu'à l'indépendance du Sénégal, il occupe la chaire de langues et civilisation négro-africaines à l'École nationale de la France d'outre-mer. L'année 1945 marque le début de sa carrière politique. Élu député du Sénégal, il est constamment réélu de 1946 à 1956. Membre de l'assemblée consultative du Conseil de l'Europe, il est plusieurs fois délégué de la France à la conférence de l'UNESCO et à l'assemblée générale de l'ONU. Après avoir été Secrétaire d'État à la présidence du Conseil (cabinet Edgar Faure), il devient maire de Thiès au Sénégal, en novembre 1956. Ministre-conseiller du gouvernement de la République française en juillet 1959, il est élu premier Président de la République du Sénégal, le 5 septembre 1960. Père fondateur de la Francophonie, il écrit un article fondateur le français, langue de culture  dont est extraite la célèbre définition : « La Francophonie, c'est cet Humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre ». En 1966, il organise à Dakar, le 1er Festival mondial des arts nègres. Réélu Président de la République par quatre fois, il se démet de ses fonctions le 31 décembre 1980. Il est élu à l'Académie française, le 2 juin 1983. Sources : academie-francaise.fr, wikipedia.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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