top of page

Francis Vielé-Griffin

Pluie d'été

 

Tout est si calme que tu redoutes

Ce galop, au loin sur la route,

Comme un messager de malheur ;

Et que, pour l’odeur familière

De l’averse tiède dans la poussière,

Tu donnerais toutes tes fleurs ;

Tu donnerais l’âme exhalée

De toutes tes roses ensommeillées

Qui penchent, — Et la Mort par les allées,

Marche, rêveuse et diaphane,

Hésitante pour les effeuiller,

Entre le lourd soleil qui fane

Et la pluie âpre qui flétrit. —

Tout est si calme que tu ries

(Tu pleurerais aussi bien sans doute)

J’écoute un galop sur la route...

 

Le ciel pèse et la brise lasse

S’est laissée choir sur la terrasse

Et gît entre tes roses lourdes,

A tes pieds même, évanouie ;

Tout est si calme que l’on suit,

Maintenant, à sa rumeur sourde

Qui monte entre les peupliers muets,

La roue qui peine évertuée ;

Elle te lasse et t’importune

Et tu m’en gardes, un peu, rancune..,

 

Et nous voici guettant l’orage

Avec les arbres et les herbes

— Le signet griffe encor la page

Où nous lisions le chant des âges

Mêler les vieilles voix superbes...

Entends-tu le tonnerre, au loin ?

Alerte, la brise : voici le vent !

Une feuille court à l’avant.

Gomme un lévrier détalé ;

Mais la poussière la rejoint,

— Toute la route en est voilée —

Elle tourne et monte dans le chant

Des hauts peupliers déferlant

Comme une mer sur des galets ;

La pluie, la pluie à grosses gouttes !

Gomme elle marche à pas pressés ;

Ta main tendue s’y trempe toute,

Elle est si tiède que tu y goûtes,

Ta joue s’en est toute rosée ;

Elle met de la jeunesse aux feuilles,

Fait nette l’herbe, lisse la sente ;

 

C’est l’heure, tantôt, de la cueille

Des belles roses ruisselantes :

Déjà le soleil rit au seuil...

Sans la pluie nous n’aurions osé

Cueillir vingt roses, et un baiser.

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : Poètes symbolistes, anthologie, La Table Ronde, Paris, 2003, p. 344.

Biographie

 

Francis Vielé-Griffin (1864-1937) est un poète symboliste français. Né aux États-Unis et ayant vécu en France, c’est un ami de Mallarmé, de Verhaeren et de Valéry. Sa poésie, tournée vers l’avenir préfère le vers libre, en quête d’une vérité profonde, faite d’optimisme, d’effusion et de mesure. Ce peintre de la nature s’inspire de thèmes mythologiques. Il est directeur de la revue Les Entretiens politiques et littéraires. Il fait partie des auteurs d’élection d’Apollinaire durant ses jeunes années. Sources : lesvoixdela poesie.com, wikipedia.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

  • Facebook Social Icon
  • YouTube Social  Icon
bottom of page