Henri de Régnier
Le jardin mouillé
La croisée est ouverte, il pleut
Comme minutieusement,
A petit bruit et peu à peu
Sur le jardin frais et dormant.
Feuille à feuille la pluie éveille
L'arbre poudreux qu'elle verdit ;
Au mur, on dirait que la treille
S'étire d'un geste engourdi.
L'herbe frémit, le gravier tiède
Crépite et l'on croirait là-bas
Entendre sur le sable et l'herbe
Comme d'imperceptibles pas.
Le jardin chuchote et tressaille,
Furtif et confidentiel ;
L'averse semble maille à maille
Tisser la terre avec le ciel...
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Poètes symbolistes, anthologie, La Table Ronde, Paris, 2003, p. 337.

Biographie
Henri de Régnier (1864-1936), est un essayiste, poète et romancier français. Né à Honfleur, il fréquente le collège Stanislas, puis après son droit se consacre aux lettres. À partir de 1885, il publie des poèmes dans des revues symbolistes, en particulier dans la revue Lutèce. Admirateur de Mallarmé, familier des « mardis », il a été influencé par Leconte de Lisle et surtout par José-Maria de Heredia dont il épouse, en 1895, l’une des filles, Marie, poète elle-même sous le pseudonyme de Gérard d'Houville. Avec son premier recueil, Poèmes anciens et romanesques (1889), il s’acquiert une certaine notoriété. D’œuvre en œuvre, il s’oriente, sans cesser d’être classique, vers une plus grande liberté dans la forme. Il écrit également des contes et des romans dont le connu, La Double maîtresse (1900), est un roman freudien avant l’heure. Critique littéraire, il tient longtemps le feuilleton littéraire du Figaro. Il est élu à l’Académie française en 2011, après un échec en 1908 face à Jean Richepin. Source : academie-francaise.fr.