François Migeot
Intermezzo
Averse
Le ciel cloue les toits
On reste dans les meubles
On range l’attente dans les tiroirs
La ville se retient sous les porches
Le temps perdu coule à gros bouillons
au long des trottoirs
et les vitres pleurent
ce qu’on ne fera pas
Averse
Le jour s’égare à gros bouillons
Les routes sans mémoire se figent en plein versant
dans les brumes par où l’instant s’échappe
et sur les cols en écharpe de nuage
le ciel met les verrous
Le temps renonce
à rejoindre midi
il redescend en ville
à petits pas de pluie
il efface le centre
ferme les places
et s’assied au chevet de la ville
tandis que le vent impatient de nouvelles
retourne les terrasses
On se tient aux lampes
au feux des boutiques
à la pénombre des yeux
Sous les traits de la pluie
annulé par la bruine
dispersé par les gouttes
on attend sans ombre
sous les porches
au long des trottoirs
et les vitres pleurent
ce qu’on ne fera pas
Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie
Source : Clair-Obscur, François Migeot, L’Atelier du Grand-Tétras, 2013.

Biographie
François Migeot (né en 1949) est un poète, écrivain, traducteur et universitaire français. Son travail d’écrivain est à la conjonction des expressions artistiques (sculpture, peinture, gravure, musique, mises en résonance avec des textes), et porte sur des « démolitions » engagées au sein du discours « communicatif » de l’époque (Remue.net). Il est l’auteur d’une quinzaine de titres en poésie, d’essais de sémiotique littéraire, de nouvelles, romans, et de traductions de poètes latino-américains. Poète, traducteur, il mène une vie d’universitaire au Japon, puis en France. Il vient de publier un essai, Portée d’ombre, pour une poétique de la lecture (Presses universitaires de la Méditerranée), qui prolonge ses essais sur Breton et Robbe-Grillet. Source : l’auteur.