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François Cheng

« L’heure creusée d’absence »

L’heure creusée d’absence

du long après-midi humain

Quand l’averse éloigne le bruit des pas

 

Goutte après goutte

tombe l’eau de l’auvent

Pareille aux astres invisibles

En leur chute là-bas

par-delà les cimes d’arbres

 

Au bord de l’étang, l’effacé

des pétales ravive un instant

Le sang de l’été inaccompli

 

Un sourd tonnerre éveille

le crève-cœur de l’enfance

D’où s’était un jour

arrachée

La tendre éternité du monde

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : 36 Poèmes d’amour, François Cheng, Éditions Unes, 1997, p. 67.

« Nous avons été chute »

Nous avons été

chute

Hors du cercle obscur

 

Hors des lignes de la main

Au fil des étoiles filantes

Chutes d’ombres

à l’ombre des yeux séparés

Chute d’éclats

dans l’éclat des larmes mêlées

Aigle aux ailes calcinées

lourdes de regret et de chagrin

Laissant choir le corps

Couleur de trop lointaine aurore

Plus loin que vagues, que vent

que plages, que roseaux

Éclair pulvérisant orages

que plus rien ne retient

Nous avons été

chute

Hors du cercle obscur

 

Réunis enfin

Se cherchant encore

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : 36 Poèmes d’amour, François Cheng, Éditions Unes, 1997, p. 27.

« Ce qui t’es offert »

Ce qui t‘est offert

C’est la patience d’une vie

poisson fossilisé

C’est ce qu’il faut de temps

pour changer le poisson en eau

et pour changer l’eau en pierre

Pour nous ouvrir l’un à l’autre

Pour nous fermer l’un dans l’autre

le poisson dans l’eau

et l’eau dans la pierre

 

Ce qui t’est offert

C’est la promesse d’une vie

jamais remémorée

Sauras-tu la reprendre entière

Sans en altérer le rythme

Sans en arrêter l’élan

Sans l’émietter ?

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : 36 Poèmes d’amour, François Cheng, Éditions Unes, 1997, p. 73.

« Quelle nuit »

Quelle nuit cette nuit nous ne l’aurons pas vécue

parfum des lilas hors de notre regard

élan des fauves hors de notre voix

geste des saules perdu sur l’étang

D’où s’arrache un nuage vers nulle saison tendu

 

Quelle nuit cette nuit déjà lointain souvenir

désormais sans liens nous avancerons

sur toutes les voies ouvertes au vent

au milieu de tant d’astres éclatés

Pour retrouver un sol où fondre et refleurir

Présences à Frontenay 2016, Le sage et la pluie

Source : 36 Poèmes d’amour, François Cheng, Éditions Unes, 1997, p. 41.

Biographie

François Cheng (né en 1929) est un poète, essayiste et romancier français. Né en Chine, il est issu d'une famille de lettrés et d'universitaires. Études secondaires à Chongqing de 1937 à 1945, puis à l'Université de Nankin. Début 1948, son père participe à la fondation de l'UNESCO. François Cheng le suit et se consacre à l'étude de la langue et de la littérature françaises avant d'obtenir en 1960 un emploi au Centre de linguistique chinoise, puis, en 1969, comme chargé de cours à l'Université de Paris VII. Il est naturalisé français en 1971 et devient en 1974 maître de conférences, puis professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales. Ses travaux se composent de traductions des poètes français en chinois et des poètes chinois en français, d'essais sur la pensée et l'esthétique chinoises, de monographies consacrées à l'art chinois, de recueils de poésies, de romans et d'un album de ses propres calligraphies. Il se voit attribuer le prix André Malraux pour Shitao, la saveur du monde, le prix Roger Caillois pour ses essais et son recueil de poèmes Double chant, le prix Femina pour son roman Le Dit de Tianyi et le Grand prix de la Francophonie pour l'ensemble de son œuvre. Docteur honoris causa de l’université de Bergame (Italie) et de l’Institut catholique de Paris (2007), il est élu à l'Académie française, le 13 juin 2002. Source : academie-francaise.fr.

© 2016 par Présences à Frontenay. Créé avec Wix.com

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